Ataxie cérébelleuse
                    Présentation
L’ataxie cérébelleuse héréditaire de l'american staffordshire terrier (staffordshire terrier américain ou STA) est une maladie spécifique de cette race et des races apparentées (american pit bull terrier et chiens de type pit bull). Elle se traduit par l’apparition de symptômes nerveux, notamment une ataxie, chez le chien adulte. Cette maladie est due à une forme de dégénérescence du cervelet d’origine génétique appelée ceroïde-lipofuscinose neuronale (CLN).
La
 maladie touche 5,3% des chiens STA dans le monde et 3,4% aux Etats-Unis
 (statistiques 2008 fournies par le laboratoire Antagene).
A l’heure actuelle, il n'y a pas de traitement permettant de guérir le chien ou même de ralentir la progression des symptômes.
Depuis
 les premières observations portant sur l'ataxie cérébelleuse 
héréditaire au début du siècle, de nombreux progrès ont été réalisés 
dans la connaissance de la présentation clinique, du diagnostic et de la
 transmission de cette maladie héréditaire.
La
 mutation génétique responsable de la maladie a été découverte récemment
 à la suite d'une collaboration entre le Laboratoire de Génétique 
Moléculaire et Cellulaire (UMR955 INRA-ENVA - Dr Marie Abitbol et Dr 
Laurent Tiret), le Laboratoire de Neurobiologie (UPR de Neurobiologie - 
Pr Stéphane Blot), le Laboratoire de Génétique et Développement de 
Rennes (UMR6061 CNRS-Université Rennes1 - Dr Catherine André) et la 
société Antagene. Un test génétique est disponible depuis septembre 2008 
ANATOMIE ET ROLES DU CERVELET
Le cervelet est un organe globuleux qui présente à sa surface de nombreux plis formés par les circonvolutions de son cortex (substance grise). Sous le cortex, la substance blanche forme le corps médullaire et contient des noyaux
 de substance grise. La ramification de la substance blanche dans les 
plis du cortex donne une image d’arborisation appelée « arbre de vie ».
 
Le
 cervelet est un centre de régulation complexe placé en dérivation des 
grandes voies nerveuses sensitives et motrices. Il exerce principalement
 trois actions de régulation sur la fonction motrice :
Il
permet la coordination fine des mouvements : il ajuste, par
facilitation ou inhibition, l’amplitude et la force des mouvements des
muscles.
Il participe au maintien de l’équilibre, en collaboration avec l’appareil vestibulaire.
Il
participe à la modulation du tonus musculaire en fonction des
informations proprioceptives qu'il intègre (contrôle de la posture).
Le cervelet n’est pas indispensable à la motilité,
 car l’initiation, le déroulement et l’achèvement des mouvements 
dépendent d’autres régions de l’encéphale. Néanmoins, en l’absence de 
régulation par le cervelet, l’activité musculaire est marquée par 
d’importantes anomalies qui invalident sérieusement l’animal.
Le cervelet joue également un rôle inhibiteur sur l’appareil vestibulaire, et en effet, lors d’atteinte cérébelleuse, un syndrome vestibulaire
 paradoxal (ou dysharmonieux) peut apparaître. Ce dernier se traduit par
 des signes neurologiques contradictoires par rapport à un syndrome 
vestibulaire classique.
Présentation CLINIQUE
 Les
 caractéristiques de la population touchée et la présentation clinique 
de la maladie sont des éléments importants à prendre en compte lorsque 
l’on souhaite identifier une ataxie cérébelleuse chez un chien. 
Animaux concernés
 
La présentation clinique et les lésions
 dégénératives du cervelet présentes lors de l'ataxie cérébelleuse 
héréditaire du STA ont également été observées chez des chiens american pit bull terrier (race non reconnue en France) et des chiens de type pitbull (toutes ces races partagent des origines communes).
L’anomalie
 génétique responsable de la maladie chez le STA est actuellement 
recherchée chez d’autres races de chiens atteints de dégénérescence cérébelleuse, notamment chez les races apparentées au STA.
Cette maladie se déclare à l’âge adulte. Les premiers symptômes apparaissent entre 3 et 5 ans dans une grande majorité des cas, mais la maladie peut se déclarer chez des chiens âgés de 1 à 9 ans.
Les mâles et les femelles sont touchés dans les mêmes proportions.
Signes cliniques
 
L’ataxie
 cérébelleuse héréditaire est une maladie d’apparition insidieuse. Elle 
se manifeste d’abord par une « maladresse », voire une anomalie faible 
de la démarche, surtout lors de certaines situations difficiles comme la
 montée ou la descente d’un escalier, les changements de direction ou la
 nage (risque de noyade). Cette maladresse est l’expression de l’ataxie débutante. A ce stade précoce de la maladie, certains chiens sont quelquefois victimes de crises d’opisthotonos
 de quelques secondes ou de tressaillements de tout le corps, et se 
raidissent durant leur sommeil. Au fur et à mesure que la maladie 
évolue, l’ataxie devient permanente et de plus en plus marquée. 
Elle se traduit par :
- une hypermétrie :
le chien marche « au pas de l’oie », c’est à dire qu’il marche en
levant de façon exagérée ses membres, en particulier ses antérieurs - une astasie : trouble de l’équilibre au repos. Le chien a des difficultés pour se tenir debout et présente une augmentation de son polygone de sustentation
 - une abasie : difficulté voire impossibilité de marcher, avec des chutes possibles des deux côtés (ataxie symétrique)
 - un balancement du corps et de la tête
 
Les chiens atteints peuvent être victimes de raideurs des membres postérieurs
 se traduisant par des bonds de lapin lors de la course (les deux 
membres postérieurs sont en appui sur le sol au même moment), par des 
sauts de hauteur exagérée et par des chutes lorsque le chien se dresse 
sur ses postérieurs.
Des tremblements intentionnels
 grossiers ont été observés chez quelques chiens atteints d’ataxie 
cérébelleuse héréditaire, en particulier à la suite de mouvements 
brusques ou lorsque le chien est excité.
La proprioception est généralement normale, mais elle peut être diminuée sur les postérieurs dans de rares cas. La force motrice et les réflexes spinaux sont normaux.
Certaines anomalies sont également notables au niveau de la tête. En effet, les animaux atteints peuvent avoir la tête penchée à droite ou à gauche de manière transitoire. La réponse de clignement à la menace peut être diminuée ou absente,
 alors que la vision et la motricité faciale sont conservées. Ce dernier
 signe est d’apparition plutôt tardive dans l’évolution de la maladie.
 Un nystagmus vertical, horizontal ou rotatoire
 est souvent présent. Chez la plupart des chiens, ce signe n’apparaît 
que lors de certaines stimulations (comme faire rouler le chien sur le 
dos par exemple). Cependant, certains chiens le déclenchent 
spontanément. Les nerfs crâniens ne présentent pas de déficit.
Dès
 les premiers stades de la maladie, les signes neurologiques sont 
exacerbés chez tous les chiens par l’excitation, le soulèvement de la 
tête, le roulement sur le dos, les mouvements brusques ou les situations
 difficiles comme les obstacles à franchir, les virages ou les pentes. 
Au fur et à mesure de la progression de la maladie, ces situations 
peuvent provoquer chez les chiens des chutes ou des crises d’opisthotonos.
L’ataxie cérébelleuse héréditaire progresse sur plusieurs mois voir sur plusieurs années.
 Les chiens atteints deviennent incapables de se déplacer après une 
durée d’évolution qui peut aller de 6 mois jusqu’à plus de 8 ans. Pour 
la majorité des chiens, cette période dure entre 2 et 4 ans.
La
 progression de la maladie se fait parfois lors de crises durant 
lesquelles les symptômes s’aggravent rapidement. On observe alors, entre
 les crises, de longues périodes où les signes neurologiques restent 
stables.
TRANSMISSION DE LA MALADIE
 
L’origine
 génétique de l’ataxie cérébelleuse héréditaire a rapidement été 
soupçonnée à cause de la fréquence élevée de la maladie dans certaines 
familles de STA, par rapport à la population générale de la race. Cette 
hypothèse a ensuite été confirmée par exclusion des autres causes 
possibles pour la maladie.
Les
 gènes, unité de structure et de fonction du patrimoine génétique des 
individus, peuvent se trouver sous différentes formes ou variants 
appelés allèles. L'allèle normal ou "sauvage" peut subir des mutations 
dans sa séquence et donner un ou plusieurs allèles mutés. Certains 
allèles mutés sont responsables d'anomalies et de maladies, comme c'est 
le cas dans l'ataxie cérébelleuse héréditaire.
Chaque
 individu possède deux allèles pour chaque gène, l'un venant du père et 
l'autre de la mère. Si ces deux allèles sont identiques, l'individu est 
dit homozygote pour ce gène. S’ils sont différents, l’individu est dit 
hétérozygote pour ce gène.
La
 transmission de l'ataxie cérébelleuse héréditaire se fait selon un mode
 autosomique récessif. Cela signifie que le gène responsable de la 
maladie se situe sur un autosome (chromosome non sexuel) et donc que 
mâles et femelles sont atteints dans les mêmes proportions. Le caractère
 récessif implique qu’un chien ne peut développer la maladie que s’il 
possède les deux copies défectueuses (allèles mutés) du gène en cause. 
Les hétérozygotes portent un exemplaire de l'allèle muté mais ne 
développent pas la maladie, ils sont qualifiés de "porteurs sains".
Statut génétique et développement de la maladie
                    Un
 seul gène et une seule mutation sont en cause dans l'ataxie 
cérébelleuse héréditaire du STA. Trois statuts génétiques sont donc 
possibles vis-à-vis de cette maladie.
Déclaration de la maladie en fonction du statut génétique de l'animal
                
Déclaration de la maladie en fonction du statut génétique de l'animal
Un chien homozygote muté développera la maladie au cours de sa vie, mais il est impossible de prédire à quel âge.
L’hétérozygote
 est un porteur sain, il ne développera pas la maladie. En revanche, 
tout comme l’homozygote muté, il possède l'allèle muté et peut le 
transmettre à sa descendance.
Le statut génétique de chaque chien peut maintenant être déterminé grâce au test génétique.
 
Transmission à la descendance
 
Chaque
 chiot reçoit, pour le gène responsable de la maladie, un allèle de son 
père et un allèle de sa mère. Le statut génétique des descendants et 
donc la proportion de chiots qui développeront la maladie par portée 
dépendent du statut génétique des parents.
Les
 accouplements entre homozygotes sauvages et entre homozygotes mutés ne 
donnent que des chiots au statut génétique identique à celui de leurs 
parents pour la maladie :
homozygote
sauvage (+/+) X homozygote sauvage (+/+) : seul l’allèle sauvage (+)
est apporté par les parents, donc 100% des chiots seront homozygotes
sauvages (+/+) et ne développeront pas la maladie.
homozygote
muté (-/-) X homozygote muté (-/-) : seul l’allèle muté (-) est apporté
par les parents, donc 100% des chiots seront homozygotes mutés (-/-) et
développeront la maladie à l’âge adulte.
Les
 autres cas de figures sont exposés dans les tableaux suivants. A chaque
 fois, le signe + désigne l’allèle sauvage, et le signe - désigne 
l’allèle muté. Les proportions des statuts génétiques pour chaque portée
 ne constituent que des moyennes statistiques, elles ne reflètent pas 
forcément les proportions que l’on peut obtenir sur une portée réelle, 
où la distribution des allèles est aléatoire.
Accouplement d’un chien homozygote sauvage (+/+) et d’un chien hétérozygote (+/-)
Le
 statut homozygote du mâle et hétérozygote de la femelle est choisi ici à
 titre d’exemple ; on obtient évidemment le même résultat si on inverse 
les statuts (mâle hétérozygote, femelle homozygote). Le même 
raisonnement peut s’appliquer pour tous les croisements.
On obtient avec cet accouplement 50% de chiots homozygotes sauvages, et 50% de chiots hétérozygotes porteurs sains. Aucun des chiots ne développera donc l’ataxie cérébelleuse héréditaire.
 Cependant, ce type de croisement continue à propager l’allèle muté (-) 
car les chiots porteurs sains pourront à leur tour transmettre la copie 
défectueuse du gène à leur descendance.
Cet accouplement produit 100% de chiots hétérozygotes. Aucun des chiots ne développera d’ataxie cérébelleuse héréditaire mais tous pourront transmettre l’allèle muté à leur descendance.
Accouplement d’un chien hétérozygote (+/-) et d’un chien homozygote muté (-/-)Cet accouplement produit 50% de chiots hétérozygotes, et 50% de chiots homozygotes mutés. La
moitié de la descendance developpera les symptômes, l’autre moitié ne
sera pas malade mais transmettra la copie défectueuse du gène.
L'utilisation
de chiens homozygotes mutés comme reproducteurs a longtemps été permise
par l'apparition tardive des symptômes. Cela a d’ailleurs facilité la
propagation de l'allèle muté dans la race. Grâce au test génétique,
l'accouplement des chiens homozygotes mutés pourra être évité.
Cet accouplement donne 25% de chiots homozygotes normaux, 50% de chiots hétérozygotes, et 25% de chiots homozygotes mutés. Un quart des chiens développera donc une ataxie cérébelleuse héréditaire à l’âge adulte.
 
Les
 hétérozygotes ne déclarent jamais la maladie et les homozygotes mutés 
peuvent vivre plusieurs années sans présenter de symptômes. Si on 
choisit les reproducteurs parmi les chiens non malades, sans connaître 
leur statut génétique, on prend le risque de  produire des chiots qui 
seront malades, et on continue à disséminer la mutation génétique au 
sein de la race.
La
 détermination du statut génétique des chiens destinés à la reproduction
 par le test génétique est donc indispensable aujourd’hui pour mieux 
planifier les accouplements et ne plus produire de chiens malades.
Recommandations pour les accouplements
L’ataxie
 cérébelleuse héréditaire du STA est une maladie héréditaire incurable, 
qui conduit généralement à l’euthanasie de l’animal. C’est pourquoi il 
est important de planifier les accouplements de façon à, dans un premier
 temps, limiter la propagation de l’allèle muté et dans un deuxième 
temps, éliminer cette mutation du patrimoine génétique de la race.
L’utilisation
exclusive d’homozygotes sauvages (statut déterminé par le test
génétique) pour la reproduction permettrait évidemment d’éliminer la
mutation et de faire disparaître la maladie de la race en quelques
années. Cependant, étant donné la fréquence très élevée de l’allèle muté
dans la race, cela reviendrait à utiliser un nombre trop restreint de
chiens pour la reproduction et donc à appauvrir la diversité génétique
de la race. D’autres anomalies d’origine génétique, non prises en compte
lors du choix des reproducteurs, pourraient alors voir leur fréquence
augmenter.
Par conséquent, l’élimination de l’allèle muté doit se faire très progressivement,
en conservant certains hétérozygotes pour la reproduction. Il est
cependant impératif de leur choisir des partenaires homozygotes sauvages
pour éviter de produire de nouveaux cas d’ataxie. De plus, les chiots
issus de ces accouplements devront être testés génétiquement s’ils sont
destinés à la reproduction, car 50% d’entre eux seront des hétérozygotes
porteurs sains.
L’utilisation d’un homozygote muté (mâle ou femelle) comme reproducteur, est très fortement déconseillée,
car celui-ci ne peut engendrer que des descendants malades ou porteurs
sains. Toutefois, si un reproducteur fortement améliorateur de la race
se révèle être homozygote muté et qu’il est réellement dommage de perdre
ses qualités, il peut être envisagé de l’accoupler avec un partenaire
homozygote sauvage. Il s’agit là d’un accouplement à réaliser à titre exceptionnel,
pour sauver une lignée. Il ne pourra être envisagé qu’après dépôt d’une
demande justifiée et étayée (caractère exceptionnel du reproducteur)
auprès de la Commission d’Elevage de l’American Staffordshire Terrier du
CFABAS (www.cfabas.fr).
Les descendants, tous hétérozygotes, devront par la suite être
accouplés avec des homozygotes sauvages, comme expliqué précédemment.
Mutation responsable de la maladie
La
 decouverte du gène et de la mutation responsable de l'ataxie 
cérébelleuse héréditaire du STA, brevetée au niveau international par 
l'INRA et l'ENVA, a permis la mise au point du test génétique. 
La fréquence de la mutation dans la race est élevée : lors de la phase de validation du test génétique, la proportion de STA français porteurs de la mutation a été estimée à 30%.
En outre, les tests réalisés par le laboratoire Antagene entre
septembre 2008 et mai 2009 sur 1700 chiens provenant du monde entier ont
montré une fréquence de l’allèle muté d’environ 20,8%. La fréquence
élevée de la mutation est donc à prendre en compte dans la planification
des accouplements.
Cette mutation a pour l’instant été retrouvée uniquement chez le STA : le test génétique ne peut être utilisé pour des chiens d'autres races même s'ils présentent des symptômes similaires.